L’Amour au Temps des Tranchées
1917. Mathilde (Audrey Tautou), jeune Bretonne boiteuse, apprend que son fiancé Manech (Gaspard Ulliel) a été condamné avec quatre autres soldats à mourir dans le no man’s land de « Bingo Crépuscule ». Refusant cette version officielle, elle entame une enquête obstinée dans la France des années 20, épluchant dossiers militaires et interrogeant les rescapés. Son handicap devient force : « Si je compte les voitures avant d’atteindre le réverbère, Manech vit encore »…
La Vérité sous les Obus
Le film de Jean-Pierre Jeunet alterne entre trois temporalités : les amours enfantines en Bretagne, l’horreur du front (scènes inspirées de photos d’archives), et l’enquête dans le Paris des gueules cassées. Chaque témoin révèle une partie du puzzle – la prostituée Tina (Marion Cotillard), le lieutenant Esperanza (Jean-Pierre Darroussin), jusqu’à l’émouvant facteur (Dominique Pinon). La reconstitution du « Bingo Crépuscule », où les condamnés errent sous la pluie d’obus, reste une des séquences les plus poignantes du cinéma de guerre.
Mémoire et Miracles
La photographie de Bruno Delbonnel donne à chaque époque sa palette : dorée pour les souvenirs, bleu-acier pour les combats, sépia pour l’après-guerre. Un détail génial : les cinq condamnés correspondent aux cinq doigts d’une main que Mathilde et Manech dessinaient enfants. La scène où elle reconstitue leur dernière nuit dans une maquette de tranchée, avec des allumettes comme soldats, est un chef-d’œuvre de narration visuelle.
Contre Toute Attente
Le dénouement, filmé dans les vraies dunes d’Arcachon où furent tournées les scènes de Bretagne, prouve que l’amour peut défier même l’Histoire. En découvrant la vérité sur le « Bingo Crépuscule » (inspiré de faits réels), Mathilde accomplit un miracle d’obstination. Ce film, à la fois hommage aux poilus et ode à l’amour fou, reste la plus belle réussite du réalisme magique à la française.