Dans la Maison : Le Piège de la Création
Ce chef-d’œuvre d’Ozon (2012) explore les zones troubles de l’inspiration littéraire. Fabrice Luchini incarne Germain, professeur désabusé qui découvre dans la rédaction de Claude, un élève discret, un talent exceptionnel. Mais ce récit troublant – où Claude décrit son infiltration dans une famille de classe moyenne – bascule progressivement du domaine scolaire à celui de l’obsession. Entre mise en abyme et jeu de miroirs, le film interroge le pouvoir corrupteur de l’art et la porosité entre créateur et sujet.
L’Art comme Prétexte à la Transgression
Claude, interprété avec une inquiétante neutralité par Ernst Umhauer, manipule aussi bien ses sujets que son professeur. Chaque chapitre de son « œuvre » repousse les limites de l’acceptable, transformant l’acte d’écriture en violation méthodique. Ozon filme ces intrusions dans la maison des Rapha avec une tension croissante, où chaque détail observé (un soutien-gorge mal rangé, une dispute conjugale) devient à la fois matière narrative et preuve de voyeurisme. La scène où Claude corrige in vivo son récit selon les conseils de Germain est un moment de métalittérature fascinant.
Fabrice Luchini en Professeur Faustien
Le jeu de Luchini atteint ici des sommets. Son Germain passe progressivement du pédagogue enthousiaste au complice hanté, incapable de résister au plaisir coupable de diriger cette œuvre trouble. Kristin Scott Thomas, en épouse galeriste cynique, forme avec lui un couple déchiré entre fascination et répulsion. Leur salon bourgeois devient le théâtre de débats enflammés sur l’éthique artistique, tandis que Claude, tel un apprenti sorcier, manipule toutes les ficelles de cette tragédie moderne.
Une Réflexion Brillante sur le Pouvoir des Mots
Ozon signe peut-être son film le plus abouti, adaptant avec brio la pièce de Juan Mayorga. La structure en chapitres, les changements de focalisation, les fins alternatives proposées par Claude – tout concourt à faire du spectateur un complice de cette entreprise ambiguë. Le final, d’une ironie cruelle, rappelle que toute histoire est fondamentalement une trahison, et que derrière chaque grande œuvre se cache un crime parfait. Un film qui continue de hanter longtemps après la dernière image.